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In Memoriam

 :: A :: Louise Ackermann

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Message par Admin Mer 17 Aoû - 14:30

I


J’aime à changer de cieux, de climat, de lumière.
Oiseau d’une saison, je fuis avec l’été,
Et mon vol inconstant va du rivage austère
Au rivage enchanté.


Mais qu’à jamais le vent bien loin du bord m’emporte
Où j’ai dans d’autres temps suivi des pas chéris,
Et qu’aujourd’hui déjà ma félicité morte
Jonche de ses débris !


Combien ce lieu m’a plu! non pas que j’eusse encore
Vu le ciel y briller sous un soleil pâli ;
L’amour qui dans mon âme enfin venait d’éclore
L’avait seul embelli.


Hélas ! avec l’amour ont disparu ses charmes ;
Et sous ces grands sapins, au bord des lacs brumeux,
Je verrais se lever comme un fantôme en larmes
L’ombre des jours heureux.


Oui, pour moi tout est plein sur cette froide plage
De la présence chère et du regard aimé,
Plein de la voix connue et de la douce image
Dont j’eus le cœur charmé.


Comment pourrais-je encor, désolée et pieuse.
Par les mêmes sentiers traîner ce cœur meurtri,
Seule où nous étions deux, triste où j’étais joyeuse,
Pleurante où j’ai souri?


Painswick. Glocestershire , août 1850.’


II


Ciel pur dont la douceur et l’éclat sont les charmes.
Monts blanchis, golfe calme aux contours gracieux,
Votre splendeur m’attriste, et souvent à mes yeux
Votre divin sourire a fait monter les larmes.
Du compagnon chéri que m’a pris le tombeau
Le souvenir lointain me suit sur ce rivage.


Souvent je me reproche, ô soleil sans nuage!
Lorsqu’il ne te voit plus, de t’y trouver si beau.


Nice, mai 1851.


III


Au pied des monts voici ma colline abritée,
Mes figuiers, ma maison,
Le vallon toujours vert et la mer argentée
Qui m’ouvre l’horizon.


Pour la première fois sur cette heureuse plage,


Le cœur tout éperdu,
Quand j’abordai, c’était après un grand naufrage.
Où j ‘avais tout perdu .


Déjà, depuis ce temps de deuil et de détresse,
J’ai vu bien des saisons
Courir sur ces coteaux que la brise caresse,
Et parer leurs buissons.


Si rien n’a refleuri, ni le présent sans charmes,
Ni l’avenir brisé.
Du moins mon pauvre cœur, fatigué de mes larmes.
Mon cœur s’est apaisé ;


Et je puis, sous ce ciel que l’oranger parfume
Et qui sourit toujours,
Rêver aux temps aimés, et voir sans amertume
Naître et mourir les jours.


Nice, mai 1852.
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